Pour ce troisième bulletin, nous avons collecté des données issues d'observations réalisées en grandes cultures et en Zones Non Agricoles (ZNA).
Les campagnols des champs (Microtus arvalis) et les campagnols terrestres (Arvicola terrestris), espèces nuisibles en Lorraine, sont toujours présents sur l'ensemble du territoire, à différents niveaux d'infestations, qui semblent encore maîtrisables.
Les deux premiers BSV campagnols de Lorraine avaient permis de mettre en avant la présence de campagnols des champs et de campagnols terrestres dans la région.
Afin de vérifier la présence des campagnols au mois de septembre/octobre, les observateurs des réseaux d'épidémiosurveillance lorrains en grandes cultures ont été sollicités pour remonter un maximum d'observations. En plus de ces données, des signalements de présence de campagnols nous ont été remontés en Zones Non Agricoles.
Les échelles de notation choisies pour ce 3ème BSV ont été les suivantes :
En grandes cultures : un scoring parcellaire (note d'infestation variant de 1 à 5 ; observation de niveau 1) a été réalisé de la manière suivante :
Note | Observations |
1 | Aucun indice/inaperçus, pas de dégâts |
2 | Quelques terriers identifiables petits et très épars |
3 | Terriers plus abondants avec destruction partielle des plants |
4 | Quelques terriers visibles de loin et sur lesquels les plants sont entièrement détruits |
5 | Terriers tous les 20-50m visibles de loin et sur lesquels les plants sont détruits |
Observations Aucun indice/inaperçus, pas de dégâts Quelques terriers identifiables petits et très épars Terriers plus abondants avec destruction partielle des plants Quelques terriers visibles de loin et sur lesquels les plants sont entièrement détruits Terriers tous les 20-50m visibles de loin et sur lesquels les plants sont détruits
Tableau 1 : Echelle de notation (scoring parcellaire)
En grandes cultures : un réseau d'observateur s'est mis en place pour suivre des parcelles fixes dans le temps. Sur ces parcelles sont réalisés un scoring parcellaire et une diagonale indiciaire (observations de niveau 2). La diagonale indiciaire consiste à parcourir la plus longue diagonale d'une parcelle, en s'arrêtant tous les 5 mètres et en observant sur une bande de 5 mètres de large la présence ou l'absence d'indices frais de campagnols. Le nombre d'intervalles positifs divisé par le nombre total d'arrêts donnera la densité relative (note de 0 à 1) de campagnols présents dans la parcelle (Figure 1).
Grandes cultures Type d'observation Niveau 1 Niveau 2 Nombre d'observations 284 19
Tableau 2 : Répartition des observations réalisées au mois de septembre/octobre 2015
Interprétation des résultats :
Nous estimons que l'infestation n'est plus en basse densité si la note de 3/5 est obtenue pour le scoring parcellaire et la note de 0,33 pour la diagonale indiciaire (seuil de 1/3).
Figure 1 : Diagonale indiciaire (Source : Giraudoux et al.1995)
Ce réseau a pour objectif de caractériser les cycles de pullulation des campagnols (Figure 2) et de voir comment des facteurs tels que la culture, le travail du sol ou l'environnement de la parcelle (présence de haies, bordures de forêts, perchoirs ) ont un impact sur la présence de campagnols.
Figure 2 : Cycle de pullulation (Source : FREDON Franche-Comté)
Ainsi, dès le 4ème BSV campagnols (prévu pour fin novembre), nous pourrons voir l'évolution des populations sur ces parcelles.
L'été 2015 a été caractérisé par sa sécheresse. Les campagnols ont pu se réfugier dans la végétation plus dense comme les chemins enherbés et bordures de parcelles (Figure 3). Il faut donc penser à faucher/broyer les bordures pour favoriser la perception des campagnols par ses prédateurs.
Figure 3 : Dégâts de campagnols des champs en bordure de parcelle de colza dans les
Vosges (Source : FREDON Lorraine)
Notons, que les conditions météorologiques du mois de septembre/octobre (températures plus clémentes et quelques précipitations) ont favorisé le déplacement des populations vers l'intérieur des parcelles. Dans certaines parcelles des " manques " sont visibles de loin. En Meuse, des dégâts ont pu être notés sur plusieurs parcelles de colza (Figure 4).
Figure 4 : Dégâts de campagnols des champs dans une parcelle de colza en semi direct en
Meuse (Source : FREDON Lorraine)
Figure 5 : Répartition des cultures observées (réseau grandes cultures)
Figure 6 : Répartition de l'infestation de campagnols par culture (réseau grandes cultures)
La majorité des observations ont été réalisées dans des parcelles de colza et de blé tendre d'hiver (Figure 5).
Pour rappel, 284 observations ont été réalisées sur l'ensemble du territoire lorrain (Figure 6).
Parmi ces observations :
- 81% d'entre elles ne présentent pas d'indices de présence (ou des terriers inactifs),
- 10,6% ne présentent pas de dégâts significatifs,
- 6% présentent des terriers plus abondants avec destruction partielle des plants,
- 1,8% présentent des zones de dégâts visibles de loin,
- 0,7% présentent des terriers tous les 20 à 50m sur lesquels les plants sont détruits.
Nous pouvons estimer que l'absence d'observations d'indices frais peut être due au récent travail du sol (pour les cultures céréalières) sur certaines parcelles. Notons que malgré l'absence d'indices en septembre/octobre, cette situation peut rapidement s'inverser. Il faut rester attentif et suivre l'apparition/évolution des populations pour intervenir précocement.
Dép | Commune | Culture | Valeur diagonale indiciaire | Scoring parcellaire (cf page1) | Espèce |
Vathiménil | Blé | 0 | 1 | / | |
Ville en Vermois | Colza | 0,05 | 2 | CC | |
54 | Viviers sur Chier | Colza | 0,31 | 4 | CC |
Nomeny | Colza | 0 | 1 | / | |
Crantenoy | Orge d’hiver | 0,27 | 3 | CC | |
Demange aux Eaux | Colza | 0 | 1 | / | |
Saint Hilaire en Woêvre | Blé | 0 | 2 | CC | |
Saint Hilaire en Woêvre | Colza | 0 | 1 | / | |
Saint Hilaire en Woêvre | Prairie temporaire | 0,33 | 3 | CC | |
55 | Maizeray | Blé | 0 | 2 | CC/CT |
Méligny le Petit | Colza | 0,15 | 3 | CC | |
Eton | Blé | 0 | 1 | / | |
Saint Agnant Sous les Cotes | Colza | 0 | 2 | CC/CT | |
Revigny | Colza | 0 | 1 | / | |
Hampont | Colza | 0,15 | 4 | CC | |
57 | Ennery | Blé | 0,13 | 2 | CC/CT |
Vaudeville | Colza | 0,03 | 2 | CC | |
88 | Les Ableuvenettes | Orge d’hiver | 0 | 1 | Terriers inactifs CC |
Attignéville | Blé | 0 | 1 | / |
/ CC CC/CT CC Terriers Les Ableuvenettes Orge d'hiver 0 1 inactifs CC Attignéville Blé 0 1
/
Tableau 3 : Résultats des observations de niveau 2 réalisées en Lorraine
CC : Campagnol des Champs ; CT : Campagnol Terrestre
Parmi les parcelles observées (Tableau 3), l'espèce majoritairement présente correspond au campagnol des champs. Une parcelle présente une diagonale indiciaire supérieure ou égale à 0,33 (seuil au dessus duquel nous considérons que la parcelle n'est plus en basse densité de population ; parcelle de la commune de Saint Hilaire en Woêvre). Deux parcelles présentent une note d'infestation supérieure à 3 (scoring parcellaire) mais une diagonale indiciaire inférieure à 0,33 (parcelle de la commune d'Hampont et de Viviers sur Chier). Notons également que les observations attestent de l'existence du campagnol sur 3 parcelles
(Saint Hilaire en Woêvre sur blé, Maizeray, et Saint Agnant Sous les Cotes) en ce qui concerne le scoring parcellaire, alors que la valeur de la diagonale indiciaire est nulle.
Pour être efficace, la lutte contre le campagnol doit se faire de manière précoce, en période de basse densité (Figure 2 : Cycle de pullulation). A l'échelle d'une parcelle, la basse densité correspond à une diagonale indiciaire inférieure à 0,33 et une note égale ou inférieure à 3/5 pour le scoring parcellaire. C'est le cas de 8 parcelles sur les 19 suivies dans le cadre des observations de niveau 2.
A ce jour, nous n'avons pas pu dégager de facteur favorisant la présence de campagnols, puisque les observations ont pu être faites sur tout type de culture, de travail du sol et quelques soit l'environnement de la parcelle.
La présence de prédateurs de campagnols a pu être remarquée en pleine journée sur bon nombre de parcelles (héron cendré, buse variable, chat domestique ). Nous avons également pu observer des traces de prospection de sangliers sur plusieurs parcelles en grandes cultures, où la présence de campagnols a été attestée (Figure 7).
Figure 7 : Dégâts de sangliers dans une parcelle de blé en Meuse
(Source : FREDON Lorraine)
Des signalements de présence des deux espèces de campagnols ont à nouveau été remontés en Zones Non Agricoles (terrains de golf, parcs et jardins publics, cimetières, massifs, vergers conservatoires ) sur le territoire lorrain.
La pression ne semble pas avoir baissé depuis le début de l'année et le niveau de population semble se maintenir, voir augmenter pour les zones en lisières de forêts et les pelouses irriguées. Des dégâts de campagnols ont également pu être notés en pépinières.
Attention : les terriers de campagnols des champs et les coulées permettant de les relier ont parfois été confondus avec des fentes de dessiccation. Les fentes de dessiccation causées par la sécheresse de cet été peuvent être amenées à être colonisées par les campagnols.
Figure 7 : Carte des observations de niveau 1 sur les réseaux de grandes cultures en septembre/octobre 2015. (Source BD Carto SRAL ; Cartographie FREDON Lorraine)
Dans le cas où plusieurs observations ont été réalisées sur la même commune, la parcelle présentant la note d'infestation la plus élevée a été retenue pour la réalisation de cette carte. Notons que le scoring parcellaire n'est pas forcément représentatif de l'infestation de campagnols sur la commune.
La Figure 7 démontre que les campagnols sont toujours présents sur l'ensemble du territoire lorrain. Les observations réalisées ne permettent pas de révéler la présence de foyers d'infestations.
Malgré le maintien de la présence de campagnols dans la région, la situation reste gérable. Le seuil de 0,33 (diagonale indiciaire) n'a été atteint que dans une situation et les notes supérieures à 3/5 ont été atteintes sur sept parcelles (Figure 7). Si ces deux seuils sont dépassés, nous estimons ne plus être en basse densité de population de campagnols.
Afin de prévenir l'augmentation des populations et intervenir précocement, il est nécessaire de continuer à observer régulièrement la présence de ces rongeurs, pour éviter que leurs populations deviennent incontrôlables. Il faut maintenir la vigilance à la parcelle en concentrant vos observations sur les bordures de celle-ci, pour prévenir son déplacement vers l'intérieur de la parcelle.
Les 3 maîtres mots de la lutte contre le campagnol sont : surveillance, prévention et actions précoces.
Pour maintenir les populations de campagnols à des niveaux maîtrisables, il est important de combiner les 3 méthodes de luttes que sont la favorisation de la prédation, le dérangement du sol et la lutte directe.
Accueillir les prédateurs tels que le renard, la belette, la fouine ou l'hermine, passe par le fractionnement des grandes parcelles agricoles, en réintroduisant des éléments fixes au paysage, comme des haies, des bosquets et des pierriers. L'entretien des haies existantes, ou la plantation d'autres, permet de créer des corridors de circulation et des habitats pour les prédateurs.
Figure 8 : Haie
(Source : symbiose-biodiversite.com)
Le campagnol profite des couverts végétaux denses et hauts pour se déplacer à couvert. Ainsi, la fauche des bordures de parcelles (entre les parcelles, sous les clôtures ) augmente la vulnérabilité du campagnol face à ses prédateurs et permet d'éviter la mise en place de refuges favorables aux campagnols.
Le piégeage est une méthode de lutte très efficace. Le piège pince est un peu contraignant à poser et à relever dans le cadre d'une utilisation intensive (par rapport au piège TOPCAT, cf. 2ème BSV campagnols du 16 juillet).
Les campagnols pouvant être porteurs de maladies transmissibles à l'homme, pensez à mettre des gants lors de la pose et du relevé du piège.
Figure 9 : Piège pince
(Source : FREDON Lorraine)
Les étapes de mise en place d'un piège pince sont les suivantes :
- Chercher les tumuli les plus récents
- Ouvrir les galeries à l'aide d'une bêche et dégager la terre à l'entrée des galeries
- Placer l'écarteur entre les deux tiges de la pince
- Déposer le piège dans le trou
- Penser à placer un piquet pour repérer l'emplacement du piège et éviter que le campagnol ne parte avec le piège
- Reboucher l'ouverture avec de la terre.
L'arrêté interministériel du 14 mai 2014 relatif au contrôle des populations de campagnols nuisibles aux cultures ainsi qu'aux conditions d'emploi des produits phytopharmaceutiques contenant de la Bromadiolone autorise l'utilisation d'appâts à base de Bromadiolone mais sous conditions strictes.
Dans le cadre d'une demande traitement à la Bromadiolone, la FREDON Lorraine a besoin de divers renseignements concernant la parcelle infestée et notamment un état des lieux de l'infestation. Pour cela, un comptage doit être réalisé dans la parcelle (comme cité dans l'annexe II de l'arrêté, " Pour déterminer cette densité, l'observateur réalise un parcours en traversant la parcelle dans le sens de la plus grande diagonale "). La lutte contre les campagnols étant une lutte précoce, elle doit se faire en basse densité de population du nuisible. Cette information est fixée par l'arrêté du 14 mai 2014 : " Les traitements à la bromadiolone ne sont plus autorisés dans toute parcelle où le nombre d'intervalles occupés par au moins un indice rapporté au nombre total d'intervalles observés dépasse un sur trois. " (cf. méthode pour réaliser la diagonale indiciaire en page 1).
Pour plus d'informations concernant la démarche à suivre lors d'une demande de traitement à la Bromadiolone, veuillez vous référer à la rubrique " Campagnols " sur le site de la FREDON
Lorraine : http://www.fredon-lorraine.com/fr/campagnols.html
En cas d'autorisation de traitement, la FREDON Lorraine émet un avis de traitement. Cet avis est valable 1 mois à partir de la date d'émission. L'avis de traitement doit avoir été envoyé aux services officiels (DRAAF, DREAL, DDT, ONCFS, Fédération départementale des chasseurs, CDCFS) au moins 72H avant le traitement et affiché en mairie au moins 48H avant le traitement.
Pendant toute la période de lutte chimique, et durant les 2 semaines suivant le traitement, l'agriculteur doit mettre en place un suivi constant sur l'ensemble de la zone où les traitements ont été effectués. Il vérifie le bon enfouissement des appâts, et constate l'absence d'effets non intentionnels sur la faune non cible.
Ce bulletin est disponible sur le site internet de la CRAL www.cra-lorraine.fr et le site de la DRAAF Lorraine www.draaf.lorraine.agriculture.gouv.fr Action pilotée par le ministère en charge de l'agriculture, avec l'appui financier de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, par les crédits issus de la redevance pour pollutions diffuses attribués au financement du plan Ecophyto 2018
Bulletin rédigé par la Fredon Lorraine et édité sous la responsabilité de la Chambre d'Agriculture de Lorraine, avec la participation des partenaires des réseaux d'épidémiosurveillance grandes cultures, arboriculture, viticulture, maraichage et zones non agricoles lorrains.
Ce bulletin est produit à partir d'observations ponctuelles d'un réseau de parcelles suivies par ces partenaires : il donne une tendance de la situation sanitaire dans la région, mais celle-ci ne peut être transposée telle quelle à la parcelle. La Chambre Régionale d'Agriculture de Lorraine dégage donc toute responsabilité quant aux décisions prises par les agriculteurs pour la protection de leurs cultures.
Pour tous renseignements, contacter : Hélène LOGEL Technicienne Agricole FREDON Lorraine 03.83.33.86.73 François-Xavier SCHOTT Animateur Inter-Filières Chambre Régionale d'Agriculture de Lorraine - 03.83.96.85.02